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Energies : vers une stratégie (enfin) départementale

Hydroélectricité, solaire, bois, biomasse, méthanisation…Premier bilan des travaux du pôle Energies Renouvelables de la Corrèze, qui ouvre enfin des perspectives locales. Le travail des groupes pour les filières non encore explorées (géothermie, hydrogène, stockage, réseau de chaleur), se poursuit. L’objectif est d’aboutir à une stratégie départementale qui pourrait être présentée au pôle EnR avant l’été 2023.

Le 21 octobre 2022, le Préfet de la Corrèze et le président du conseil départemental de la Corrèze ont présidé la 2ème réunion du pôle des énergies renouvelables en présence d’élus, de services spécialisés dans le domaine de l’énergie, d’associations (dont Vues sur les Monédières, représentée par Etienne Roger) et de services de l’État. L’objectif de cette rencontre était de présenter un premier bilan des travaux du pôle et de dégager les premières pistes d’une stratégie départementale des énergies renouvelables.

Pour le Président du Conseil Départemental, l’énergie est la base d’une politique d’aménagement du territoire. En effet, la réindustrialisation de la France ne se fera pas dans les villes et dans les friches. Il faut construire des usines à la campagne. Il est nécessaire de considérer les choses de manière globale. C’est ainsi, par exemple, que si la préservation des zones humides est importante, on peut tout de même envisager d’y installer du photovoltaïque. L’élevage a certes un effet sur les gaz à effet de serre mais les prairies ont un rôle important dans le stockage de l’eau . La Corrèze peut à la fois produire des denrées alimentaires, de l’énergie et accueillir de la population. Il faut viser une indépendance énergétique de la Corrèze et mettre en place un service public de l’énergie impliquant les collectivités.

Alain Bordes, chef de l’unité territoires inclusifs et mobilité, chargé de mission transitions écologiques à la DDT de la Corrèze fait le point sur l’évolution de la production d’énergie renouvelables entre 2012 et 2020, ainsi que la part des énergies renouvelables dans la consommation corrézienne en 2019. En moyenne la Corrèze produit, exclusivement en EnR, 40 % (± 2%) de l’énergie consommée . Elle est à un niveau d’autosuffisance sur l’électricité et la chaleur. Toute l’énergie produite avec les produits pétroliers n’est pas couverte par la production locale et représente 50 % des besoins en énergie de la Corrèze (dont 83 % pour le transport et 13 % en chauffage). De façon générale, on peut dire que la production d’électricité est quasi constante sur plusieurs années. La production est largement dominée par l’hydroélectricité. La biomasse thermique ainsi que le bois particulier se maintiennent (même si l’estimation de ce dernier est complexe).

Une montée en puissance du photovoltaïque se dessine. A consommation constante, il faudrait pour remplacer les 50% des besoins d’énergie (actuellement couverts grâce au pétrole et ses dérivés) 1 180 ha de panneaux photovoltaïques, soit l’équivalent de la superficie de la commune de Favars (0,2 % du département). Cela représente 3 400 ha de parc photovoltaïque clos, soit l’équivalent de la superficie de la commune de Sainte-Fortunade (0,6 % du département). Sur la base de la baisse de consommation du SRADDET, les besoins seraient moindres : 195 ha de panneaux photovoltaïques soit l’équivalent de la moitié de la superficie de la commune de Veyrières (0,03 % du département), ce qui ne représenterait plus que 630 ha de parc photovoltaïque clos, soit l’équivalent de la superficie de la commune de Saint-Julien-Maumont (0,11 % du département).

Bilan de la commission opérationnelle d’examen des projets (COP) et des groupes de travail

La COP réunit services de l’État en charge de l’instruction des dossiers, chambre d’agriculture, services en charge du raccordement et conseil départemental.

Photovoltaïque (14 projets photovoltaïques examinés, dont 1 en ombrières)

Des points d’attention récurrents :
• compatibilité avec le document d’urbanisme : de nombreux projets en zone A ou N avec des nécessités de procéder à une révision ou une déclaration de projet ou la mise en oeuvre de procédures particulières
(proximité autoroute ou rives d’un plan d’eau), un certain nombre de projets sont pris en compte dans le PLUI HCC qui sera prochainement approuvé.
• impact sur l’activité agricole : les projets de parcs photovoltaïques au sol sont présentés en CDPENAF. La question de la compensation collective est un sujet qui revient régulièrement comme celui de la coexistence d’une véritable activité agricole avec les parcs.
• nécessité d’un défrichement : l’état boisé du terrain est parfois remis en cause par les porteurs de projet mais l’expérience démontre qu’une procédure de défrichement est bien souvent nécessaire.
• loi sur l’eau : Il ressort d’une expérience passée sur un parc photovoltaïque que des ruissellements importants peuvent se produire en phase chantier quand la terre est compactée mais également en phase d’exploitation du parc. Les projets sont donc susceptibles de relever de la rubrique 2.1.5.0 (rejet d’eaux pluviales dans les eaux douces superficielles ou sur le sol ou dans le sous-sol.
• acceptabilité du projet : les services de l’État attirent l’attention du porteur de projet sur la nécessité de favoriser la concertation avec les élus mais également avec la population tout au long du déroulement de la procédure et tout particulièrement pour des projets qui fait d’ores et déjà l’objet de contestations.

Méthanisation

Ce groupe a bénéficié du travail et de l’étude du Conseil Départemental menée dans le cadre du CTE qui a permis de partir sur un état des lieux. Les différentes réflexions montrent que l’agriculture, secteur principal pour la méthanisation, n’a pas sur le département, une constance de production d’effluents (élevage extensif). Il faut donc pouvoir mobiliser les gisements et les différentes sources d’intrants. Plusieurs matières premières peuvent alimenter la production, ce qui demande une vigilance particulière sur la concurrence que pourrait se livrer les filières de recyclage entre elles. A cette première concurrence, il faut ajouter celle que pourraient se livrer les installations entre elles, ce qui serait dommageable pour toute la filière.

Une étude géographique simple à montré, en prenant ces risques de concurrence et les possibilités de raccordement, qu’au mieux il reste possible de créer une à deux unités de méthanisation importantes. D’où la nécessité d’étudier la pertinence des équipements à réaliser : unités de production territoriales, taille acceptable des installations pour le département, secteurs source (agroalimentaire?), utilisations, valorisation des effluents…

Bois énergie

Le département a des atouts en la matière, même en excluant le bois d’oeuvre destiné aux charpentes et à la menuiserie et les usages industriels en Corrèze et au-delà (papéterie de Saillat par exemple). Le respect de la qualité des sols est impératif pour pérenniser la ressource. Il est également indispensable que l’interprofession se saisisse du sujet, car il n’existe pas de chargé de mission « Bois énergie » actuellement. Par ailleurs, la forêt corrézienne est très morcelée, ce qui est un frein à sa gestion. Son regroupement (par ASLGF) permettrait d’élaborer des documents de gestion. A l’inverse des résineux qui sont sur-exploités, les forêts de feuillus sont en manque de sylviculture. Ainsi, cela assurerait une gestion durable de ces peuplements, avec des débouchés en bois énergie pour les bois de faible et très faible qualité (cf. ce qui se fait à Tulle agglo).

Solaire

Le solaire fait l’objet de nombreux projets (champs photovoltaïques ou mini centrales privées). Au niveau réglementaire, des dispositions dans le code de l’urbanisme permettent déjà de réaliser des projets photovoltaïques sur parkings, toitures, bâtiments commerciaux …Mais il est nécessaire d’avoir une réflexion et une stratégie d’accueil des projets PV dans les documents de programmation, PLU et PLUi. Il est à noter que 129 communes de la Corrèze ne disposent pas de document d’urbanisme applicable et sont donc assujetties au règlement national d’urbanisme. La hausse des démarchages auprès des particuliers des professionnels ou des collectivités pour inciter à la pose de panneaux photovoltaïques devient difficilement gérable.

Ceci impose donc de réfléchir aux types d’installations photovoltaïques adaptées à notre département, en particulier l’agrivoltaïsme. M. Cornelissen, président de la chambre d’agriculture, considère que la profession agricole ne profite pas du développement du photovoltaïque au sol. Il est opposé aux parcs occupant de grandes surfaces, au déboisement et aux modifications des documents d’urbanisme ayant pour objectif de permettre l’implantation de parcs. Ces modifications risquent de donner lieu, localement, à des mouvements de protestation. Plutôt que des grands projets menés par des investisseurs étrangers au territoire, il promeut l’utilisation de délaissés que l’on trouve dans toutes les exploitations agricoles et des projets sur toiture. Le photovoltaïque permet de remplacer les toitures amiantées et de financer ce remplacement. L’agriculteur serait propriétaire et exploitant. Il souhaite que le CDPENAF interdise tous les projets qui ne respecteraient pas ce cadre. Marion Saadé, directrice départementale des territoires rappelle que, s’agissant de production d’énergie, il s’agit d’un permis de la compétence de l’État. La saisine ou non de la CDPENAF dépend du zonage. Il s’agit d’un avis simple. La proposition du président de la chambre d’agriculture de rendre cet avis conforme est impossible à mettre en place réglementairement. Par contre, il est proposé qu’un groupe de travail en CDPENAF fasse évoluer la doctrine locale.
M. Poncharal de la CABB insiste sur la nécessité de privilégier des projets locaux en autoconsommation. A ce sujet, il y a unité entre monde urbain et monde rural. Il est aussi favorable au mix énergétique comme à une réflexion sur la micro hydraulique et le micro éolien.
M. Bellouin (Tulle Agglo) estime que de grandes entreprises viennent utiliser le territoire mais que des moyens existent pour s’y opposer. La création du parc photovoltaïque de Saint-Pardoux a été subie – en particulier le passage du raccordement sur 25 kms, sans que soient acceptés les itinéraires alternatifs proposés par les collectivités traversées. Les outils locaux que constituent la SEM Corrèze ENR du département, la SEMrèze de Tulle agglo et SCIC-SAS Energies Coeur de Corrèze pour le photovoltaïque en toiture et les centrales citoyennes peuvent et doivent être mis à contribution.

Hydroélectricité

Les atouts de cette énergie sont multiples : stockage, réactivité en période de pointe et dispositions favorables dans la loi climat et résilience. Toutefois, le renouvellement des concessions n’étant pas encore acté, une stratégie est indispensable. De plus, la prise en compte des usages multiples de l’eau (changement climatique) devra être intégré aux futures réflexions, tout comme la prise en compte des enjeux environnementaux (transit des sédiments et des poissons).

Le développement de la production d’énergie par l’hydraulique est envisageable en augmentant les capacités installées et en modernisant les installations ou encore en turbinant le débit réservé. L’équipement des retenues existantes avec hauteurs de chutes importantes pourrait compléter le dispositif. La relance du projet de station de transfert d’énergie par pompage (Redenat) est évoquée.

Eolien

En Corrèze, un seul parc est en exploitation et un autre autorisé. Il existe un potentiel de puissance à installer mais peu de zones sont sans contraintes : seulement 10 % sont propices au développement de l’éolien terrestre. Les principales contraintes sont liées à des servitudes aéronautiques, à la présence d’habitations, à des enjeux de biodiversité ou à des contraintes paysagères (sites classés et monuments historiques). De plus, l’acceptabilité sociale des projets est faible. La cartographie des zones propices au développement de l’éolien sera un bon outil d’aide à l’instruction et à la décision.

Suite aux présentations du groupe de travail éolien et de la cartographie régionale, Etienne Roger de l’association « vue sur les Monédières » fait part de ses remarques. En premier lieu, la Corrèze n’est pas un département venté. Il est satisfait de constater que le plateau de Millevaches et la Xaintrie sont considérées comme des zones à forts enjeux. Il souligne la qualité des 2 arrêtés de refus pris par l’État concernant des parcs éoliens. Une fois tous les enjeux croisés, il ne reste aucune zone favorable, comme l’avait pressenti le conseil départemental.